Culture
- Publié le 9 juillet 2020

Nikolaj Szeps-Znaider : "Je veux me connecter à la population lyonnaise"

Crédit photo : Claire Gaby

C'est un chef d'orchestre souriant et décontracté que nous avons rencontré dans l'hôtel où il est de passage, près de la place Bellecour. Nikolaj Szeps-Znaider, violoniste réputé et nouveau directeur musical de l'Orchestre National de Lyon (ONL), est déjà conquis par la ville. Et nous fait part de sa volonté de séduire l'ensemble du public lyonnais...

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Comment avez-vous été approché par les équipes de l’ONL ?
Nikolaj Szeps-Znaider : Je suis venu diriger un concert durant la période de recrutement, au moment où l’ONL entrait en contact avec plusieurs chefs d’orchestre. Ensuite, nous avons eu un premier entretien formidable et nous avons décidé de nous rencontrer à nouveau. A cette occasion, nous nous sommes essayés à de nombreux répertoires avec l’orchestre. De nouveau cela a très bien fonctionné. Nous avons finalisé, une fois que nous étions convaincus que tout le monde s’entendait bien et que nous partagions tous le même projet musical.

Quelle image aviez-vous de Lyon à ce moment-là ?
Je connaissais Lyon, comme beaucoup de monde, car j’y avais joué il y a une dizaine d’années. J’aime Lyon car c’est une ville au centre de l’Europe, à la croisée entre le Nord et le Sud. C’est exactement la partie de l’Europe qui m’intéresse. J’ai beaucoup vécu à Vienne en Autriche et c’est assez similaire. Je suis tombé amoureux de la ville car j’y découvre chaque jour une force, une énergie, très vivante. Je pense aussi que la population est fière de son orchestre, un peu comme elle est fière de son équipe de football, masculin et féminin d’ailleurs... Ma mission sera de connecter davantage l’orchestre à la population. Non seulement nous voulons attirer le public à l’Auditorium mais nous serons également là pour aller à la rencontre des gens.

Y a-t-il des points communs entre Lyon et Copenhague ?
Oui la taille ! Une dimension qui me convient tout à fait : il s’agit de grandes villes et dans le même temps de villages. Les deux villes ont été bâties sur le commerce. Un autre point commun est cette énergie dont je parlais, cette force et cette capacité à profiter de chaque jour. Copenhague se distingue des autres villes du Nord sur ce point précis. On aime profiter de la vie, comme en Italie. Hier, c’était la Fête de la Musique à Lyon et j’ai ressenti également cette joie de vivre lorsque je me promenais sur les quais du Rhône puis au Parc de la Tête d’Or.

Quels ont été vos premiers contacts avec les musiciens ? Qu’avez-vous ressenti ?
C’était très intéressant. Dès le début, le courant est bien passé. Rapidement, je me suis dit qu’il était possible de faire quelque chose de « spécial » avec cet orchestre. Au vu de la qualité des musiciens, qui était déjà très élevée, mais aussi parce que j’ai entrevu la possibilité d’aller encore plus loin avec eux. J’ai senti chez eux la volonté de progresser encore. En deux ans, cette intuition s’est confirmée. Chaque fois que l’on travaille dur, que je leur en demande encore plus, ils ne montrent pas de fatigue et continuent de me suivre sur cette voie.

Comment envisagez-vous votre travail de directeur musical ?
Pour moi, le rôle de directeur musical c’est deux choses. La première, c’est d’avoir un objectif et de partager cet objectif avec l’ensemble des musiciens. Tout le monde doit ressentir la même passion et le même enthousiasme. La deuxième chose, tout aussi importante, est de représenter l’orchestre, de devenir son visage. C’est important pour moi d’incarner l’orchestre car, comme je l’ai dit juste avant, je veux me connecter à la population lyonnaise. Avec le COVID-19, ça n’a pas été facile jusqu’à présent mais j’ai réfléchi à plusieurs formats différents qui favoriseront l’implication du public.

"Rien ne pourra jamais remplacer un orchestre qui joue devant vous"

Quel esprit souhaitez-vous donner à cette première saison ?
Nous allons montrer comment nos chemins, le mien et celui de l’orchestre, se sont croisés. Et là où nous nous sommes retrouvés, c’est le centre de l’Europe. Comme je l’ai dit, j’ai passé une grande partie de ma vie à Vienne, juste de l’autre côté des Alpes. Nous allons donc faire rencontrer le répertoire que j’ai étudié avec le répertoire d’ici. Dans cette rencontre, nous serons toujours à la recherche d’une expérience unique, de quelque chose qui sera inoubliable pour le public. Un concert c’est quelque chose que vous ne pouvez pas créer chez vous. Ce qu’a montré cette épidémie aussi, c’est que, quel que soit la qualité de votre matériel audio, hifi, rien ne pourra jamais remplacer un orchestre qui joue devant vous. En ce sens, nous sommes très heureux de partir de nouveau à la rencontre du public.

Quelle est la place d’un orchestre dans la ville ?
Je rêve d’un orchestre ancré dans la ville. C’est vraiment important d’avoir des opportunités de connexion entre la ville et l’orchestre. De plus, je réfléchis à la façon dont on pourrait rapprocher les publics dits empêchés. Nous avons besoin de trouver des pistes pour partager la musique avec eux. Certains pensent que la musique classique est difficile mais une fois qu’ils l’entendent, même s’ils n’en ont jamais écoutée avant, ils se disent que c’est merveilleux. Donc notre travail est de les trouver et de leur dire voilà ce que nous faisons et de les inclure.

Etes-vous intéressé par le fait de collaborer avec des acteurs culturels différents ? Et avez-vous des projets qui vont dans ce sens ?
Oui, et nous sommes prêts. Nous travaillons avec le Théâtre des Célestins et Claudia Stavisky pour la saison à venir. Nous adorerions faire plus. Pour l’instant il n’y a rien de possible mais quand la situation sera plus propice, c’est quelque chose que nous voulons absolument faire. Je rêve de jouer chaque année à la cathédrale Saint-Jean. Et de jouer hors les murs. Il s’agit de créer une synergie entre toutes les grandes institutions culturelles pour montrer que nous pouvons croiser les disciplines. Je suis vraiment heureux que, pour mon premier concert d’ouverture, Claudia Stavisky créera des éléments théâtraux. Ce sera un vrai spectacle, pas uniquement un concert.

A quoi ressemble la vie d’un musicien - et d’un chef d’orchestre - pendant une période de confinement ?
C’est plutôt calme (rires). Malheureusement. Maintenant c’est mieux car nous pouvons nous retrouver en petits groupes. Mais pendant deux-trois mois, cela a été vraiment difficile. Parce que la musique prend toute sa dimension dans l’interaction entre 2, 3, 4 personnes. La musique c’est un peu comme quelqu’un qui lit une histoire, Shakespeare, Molière… vous donnez un rythme à votre histoire. C’est la même chose en musique sauf qu’elle regroupe plusieurs personnes en même temps. Cette interaction fonctionne quand tout le monde écoute et que les uns et les autres réagissent. Nous ne pouvions pas le faire. Donc c’était vraiment difficile. Bien sûr les conséquences humaines ont été catastrophiques, avec toutes ces personnes décédées et les personnes malades. Toutefois, il n’y a pas de crises sans nouvelles opportunités. Les musiciens, mais aussi toute la société, doivent trouver ces opportunités, comment nous pouvons améliorer des choses.

Sait-on déjà quel sera l’impact du Covid-19 sur la saision de l’ONL ?
Nous ne savons pas encore pour l’instant, ce sera plus clair en juillet avec les nouvelles consignes. Nous sommes prêts….

Notre tradition gastronomique est forte, êtes-vous fan de la cuisine lyonnaise ? ou pas encore ?
J’ai testé. Le plus gros danger de mon nouveau travail est que nous sommes situés très près des Halles de Lyon. C’est un spot dangereux (rires). C’est le problème numéro 1, mais c’est un bon problème ! Bien sûr, j’ai déjà testé quelques restaurants incontournables. Et les bouchons. Quand ma nomination a été annoncée, mes collègues m’ont félicité et ont tout de suite parlé de la gastronomie avec envie (rires).