Culture
6 novembre 2025
Un skateur dans la place !
Comment a démarré votre histoire avec le skate ?
Fred Mortagne : Ça fait plus de 42 ans que je fais du skate, c’est une très longue histoire qui a débuté dès le CE2. Et puis, au début des années 90, j’ai vraiment découvert l’univers du skate, la pratique, le sport, les figures... Je me suis rendu compte qu’à Lyon, il y avait une vraie scène du skate, des magasins spécialisés, la piste qu’on appelait "cours Charlemagne", et des figures locales comme Jérémie Daclin par exemple, qui était déjà champion de France quand j’ai commencé. Donc j’ai baigné dans la culture du skate, puis dans les années 90, on est passé au skate de rue et beaucoup moins dans les skate park. Au même moment, la place Louis Pradel qui était en travaux est apparue, et c’est vite devenu naturellement le spot des skateurs, et le mien.
Pourquoi avoir choisi de photographier cet univers ?
En tant que skateur, j’étais fasciné par le monde du skate dans les vidéos, dans les magazines... Et si j’ai vite compris que je n’aurai pas le niveau suffisant pour être skateur professionnel moi-même, je sentais quand même un lien très fort avec le skate, que je ne saurai pas forcément expliquer. Quand on est skateur, on baigne dans un milieu culturel prégnant, très foisonnant, et je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de rester dans une communauté qui m’avait beaucoup touché. Et comme à Lyon, il y a un très très haut niveau, j’ai commencé par faire des vidéos avec les grands skateurs lyonnais. Et finalement, d’une certaine manière, j’ai commencé mon métier sur la place Louis Pradel... !
C'est quoi la culture skate pour vous, en 3 mots ?
Un sport, un mode de vie, et... une école artistique ! On y retrouve plein de techniques et de pratiques liées à l’art : du graphisme sur les planches, de la photo, de la vidéo... La musique aussi, parce que les skateurs on fait toute leur culture musicale avec les vidéos de skate : du hip-hop à la musique classique en passant par le rock... C’est vraiment ce trio : sport, lifestyle et art selon moi !
Est-ce que cette culture a évolué depuis les années 80 ?
Oui, ça a évolué, par exemple aujourd’hui avec les Jeux Olympiques, le skate est plus respecté et plus ouvert sur le monde. Pourtant l’ADN reste le même : faire du skate dans la rue avec les copains, s’adapter à un milieu urbain qui n’a pas été prévu pour cette pratique... Cette partie de création justement, qui force à s’adapter à l’espace, c’est ce qui est intéressant selon moi. A Lyon aussi, la culture n’a pas changé : Jérémie Daclin, pionnier dans le milieu, skate encore tout les jours, et a gardé le même mode de vie qu’il y a 40 ans. C’est une culture qui est très constante, et qui reste attachée à ce qu’elle est vraiment.
Stéphane Giret skate sur HDV © Fred Mortagne
Comment HDV est-il devenu un lieu emblématique dans la culture skate ?
L’importance de HDV est avant tout liée à la pratique des skateurs, qui en a fait le spot principal des Lyonnais depuis 1994. Ensuite, les vidéos et les photos ont fait rayonner Lyon en France, en Europe et dans le monde, à travers le prisme du skate. C’est une place qui se prête au skate par sa configuration même : le sol, la pyramide, les bancs... Mais c’est surtout un spot central, en plein cœur de la ville. Ce qui compte dans le skate, ce n’est pas forcément la pratique elle-même, mais aussi tout le côté social, communautaire : le fait de se retrouver. Le problème des skate-parks, c’est qu’ils sont souvent construits loin et excentrés, donc les skateurs n’y vont pas forcément : on préfère les endroits qui nous permettent de se retrouver spontanément ensemble. C’est aussi un spot pour lequel les skateurs se sont mobilisés : en 2018, on a participé à repenser la réhabilitation de la place Louis Pradel avec la Métropole. Les skateurs, présents là depuis des années, ont apporté leur connaissance du lieu. Grâce à ça, on a réussi à maintenir la pratique du skate tout en choisissant des matériaux qui protègent la place sur le long terme.
Quel est votre rapport personnel à cette place ?
C’est là où j’ai passé le plus clair de mon temps pendant des années, et c’est surtout là que j’ai commencé ma carrière de vidéaste. En tant que skateur, on connaît la valeur d’un spot comme HDV, et l’importance d’avoir un endroit central pour les nouvelles générations. C’est un lieu qui cadre, qui rassemble et qui évite une pratique éclatée dans toute la ville. Une image qui m’a marquée à l’époque, c’est quand il y avait les breakdancers sous les arcades de l’opéra. J’y ai vu un parallèle avec le skate dans le fait de s’approprier un lieu, de venir pratiquer de manière spontanée. On retrouvait la même culture urbaine qui part de la rue, d’où se déploie une véritable énergie et un vrai travail, au delà d’un simple loisir.
C’est la première fois qu’il y a ce lien direct entre la place, la Fête des Lumières et le skate.
Participez-vous au projet HDV - 40 ans de skate à Lyon ?
Oui ! Rémy Bergeron m’a sollicité pour participer à l’œuvre HDV- 40 ans de skate à Lyon, qui aura lieu sur la place.Il y aura un logo HDV qui sera composé de mes photos et de celles d’autres photographes. L’œuvre comprend aussi des installations lumineuses de figures de skateurs sur la pyramide. C’est la première fois qu’il y a ce lien direct entre la place, la Fête des Lumières et le skate. C’est vraiment symbolique parce que ça ancre la pratique dans la place, en montrant que ça fonctionne, et même que c’est devenu indissociable.
A titre personnel, avez-vous des souvenirs de Fête des Lumières à Lyon ?
Carrément ! D’ailleurs j’ai toujours rêvé de faire du skate en plein centre-ville pendant la Fête des Lumières ! J’ai fait beaucoup d’éditions, mais il y a une œuvre qui m’a vraiment marquée, une petite installation à Croix-Rousse. C’était une armature qui s’allumait petit à petit pour former un cheval au galop, composé d’une multitude de points lumineux. J’ai tellement adoré que lors d’une grande exposition sur le skateboard à la Gaité Lyrique à Paris, j’ai contacté l’artiste pour qu’il refasse une œuvre similaire, qui recréerait un skateur en mouvement. Ça a donné The Light Shifty Flip, mis en lumière à l’entrée de l’exposition Public Domain en 2011.
Est-ce que vous skatez encore ?
Bien sûr ! Je skate régulièrement, même après une facture du poignet il y a quelques années... et un médecin qui m’a dit d’arrêter ! Au début du skate, c’était rare de voir des personnes plus âgées pratiquer, donc ça fait plaisir de voir qu’aujourd’hui il n’y a plus vraiment de limites d’âge. Je pense que comme tous les skateurs, j’espère continuer à skater toute ma vie !
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